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37.000 restaurants dans près de 120 pays ! McDonald’s est aujourd’hui l’une des marques les plus connues au monde, avec Coca-Cola et quelques autres. Chaque jour, ses  » Big Mac « ,  » McChickens  » et autres  » Happy Meal  » sont servis à plus de 65 millions de personnes, de la Chine à la Californie et de l’Afrique du Sud à l’Islande. Depuis 60 ans, le trio hamburger-frites-soda fait figure de standard alimentaire mondial, au même titre que la pizza et les nems. Mais, alors qu’aucune chaîne d’envergure mondiale ne s’est imposée dans la restauration italienne ou asiatique, la marque aux célèbres arches dorées – le  » M  » de McDonald’s – a fini par incarner le hamburger d’un bout à l’autre de la planète. Ce succès fut étonnamment rapide. Dès 1959, soit trois ans après sa création, la chaîne comptait déjà 100 restaurants. Ils étaient 500 en 1963, 1.000 en 1968, 2.000 en 1972, 5.000 en 1978 ! En 1967, McDonald’s ouvrit ses deux premiers restaurants hors des Etats-Unis, au Canada et à Porto Rico. Sept ans plus tard, la marque était déjà implantée en France, en Angleterre, au Japon, au Salvador, en Suède, aux Pays-Bas et au Guatemala… Un développement foudroyant qui doit autant à l’évolution des goûts alimentaires et des habitudes de restauration qu’aux  » recettes  » marketing et aux règles très strictes instituées dès sa création par la chaîne.

A l’origine de cette surprenante saga, il y a un homme, Ray Kroc. S’il n’a inventé ni l’industrie du fast-food ni même la marque McDonald’s – le mérite en revient aux frères McDonald -, cet autodidacte est le premier à avoir véritablement tiré parti de la transformation des comportements alimentaires provoquée par la diffusion de l' » american way of life « . C’est en effet l’Amérique des banlieues des années 1950 et 1960, celle de l’automobile, des centres commerciaux et des classes moyennes, fières de leur pays et de sa culture et adeptes de nouveaux modes de restauration, qui est à l’origine du succès de McDonald’s. A cette Amérique, Ray Kroc a offert ce qu’elle attendait : une alimentation rapide mais servie dans des lieux à la propreté irréprochable, vendue à prix avantageux mais avec toutes les assurances de qualité, pas compliquée et facile à emporter en voiture… et servie avec le sourire. Une alimentation simple pour gens pressés ayant de moins en moins de temps à consacrer à la cuisine, utilisant leur voiture pour un oui ou pour un non et aimant déambuler dans les grandes surfaces ou aller au cinéma. Une alimentation, surtout, n’ayant rien de commun avec la restauration traditionnelle, routinière et très codifée. En un mot, une alimentation destinée aux nouveaux enfants de la prospérité américaine.

Rien, pourtant, n’était écrit d’avance : lorsque Ray Kroc rachète à ses fondateurs la chaîne McDonald’s, au début des années 1960, il existe en effet, et depuis longtemps déjà, des chaînes de restauration rapide. L’une des plus connues s’appelle HoJo. Créée en 1925 par Howard Deering Johnson, elle compte alors près d’un millier de restaurants dans tous les Etats-Unis. On y sert, notamment, des hamburgers… Si McDonald’s l’emporte finalement sur tous ses concurrents, c’est parce que Ray Kroc ne se limite pas à son marché domestique : il l’un des premiers à pressentir que le mode de vie américain va s’imposer à une grande partie de la planète et que ce qui a marché à Des Plaines, à Chicago ou à New York peut parfaitement être dupliqué dans le reste du monde. Le marketing et la standardisation feront le reste…

A la restauration rapide, Raymond Albert Kroc arrive tardivement, un peu par hasard et après une vie déjà bien remplie. Celui qui, devenu riche, expliquera que la recette du succès  » est de se trouver au bon endroit au bon moment « naît en octobre 1902 à Oak Park dans l’Illinois. Fils d’un petit agent immobilier dont la famille est originaire de Bohème, il a l’école en horreur, préférant les rêveries aux livres –  » Je n’ai jamais lu un livre, cela m’ennuie « , avouera-t-il un jour.  » Danny le rêveur  » : tel est d’ailleurs le surnom que lui a donné sa mère qui parvient tout de même à lui donner des leçons de piano dont elle-même joue à la perfection. Ray Kroc saura plus tard en faire bon usage. Pour l’heure, sans doute un peu inquiet, son père l’emmène consulter un spécialiste en phrénologie afin de déterminer, par l’examen attentif de la forme de son crâne, ce que qu’il adviendra de lui. L’histoire raconte que l’éminent spécialiste aurait prédit au jeune Kroc… qu’il ferait fortune dans la restauration rapide ! Pour l’heure, c’est un tout autre destin qui attend le jeune garçon.

En 1917, quittant définitivement l’école où il n’a pas appris grand-chose, il est embauché par un oncle qui tient une petite affaire de fontaines de soda à Oak Park. Il n’y reste que quelques mois, le temps de se porter volontaire comme brancardier pour la Croix-Rouge sur le front français. Las ! La Première Guerre mondiale s’achève avant même qu’il ait commencé sa formation. A seize ans, sans diplôme et sans vocation particulière, Ray Kroc est en quête d’avenir… Se souvenant des leçons de piano de sa mère, il gagne alors Chicago et devient pianiste de jazz – il joue notamment dans l’orchestre d’Isham Jones et de Harry Sosnick – avant de trouver une place dans une radio locale. En 1921, sur les conseils de son père, il quitte Chicago pour la Floride où il s’essaie à la vente de biens immobiliers. Un an plus tard, n’éprouvant aucun goût pour ce métier, il retourne à Chicago, se marie et trouve une place de vendeur chez Lily Tulip Cup Co., l’un des principaux fabricants américains de gobelets en carton… Il va y rester quinze ans, gravissant un à un tous les échelons jusqu’à devenir chef des ventes pour tout le Middle West. En 1937, dans le cadre de l’une de ses tournées, il fait la connaissance d’Earl Prince, un inventeur flamboyant qui vient de mettre au point une machine permettant de mixer cinq milk-shakes en même temps et qu’il a baptisée  » Multimixer « . Enthousiasmé par cet engin, Ray Kroc abandonne son poste chez Lily Tulip, achète les droits d’exploitation du Multimixer pour tous les Etats-Unis et crée une société de distribution. C’est alors que son destin bascule…

En 1954, alors qu’il distribue avec succès ses Multimixer depuis plus de quinze ans, Ray Kroc entend parler d’un restaurant drive-in situé à San Bernardino, en Californie. Tenu par deux frères, Richard et Maurice McDonald, l’établissement a acheté d’un coup huit de ses appareils, une commande totalement inhabituelle. Curieux, Ray Kroc se rend sur place. Ce qu’il découvre le fascine littéralement. Profitant de l’essor de l’automobile, les deux frères McDonald ont en effet transformé la minuscule échoppe vendant des hamburgers qu’ils ont ouverte en 1937 en une prospère petite chaîne de huit magasins drive-in à l’enseigne McDonald’s. Aux clients, ils proposent, afin d’accélérer le service, un choix volontairement restreint de produits vendus en self-service à des prix défiant toute concurrence : hamburger, cheeseburger, lait, café, chips, pie et trois boissons. La vaisselle est remplacée par des sacs en papier et des tasses en carton et l’assaisonnement des hamburgers est réduit à sa plus simple expression : ketchup, moutarde, oignons et pickles. Dans l’établissement, à la propreté irréprochable, la cuisine en Inox brillant ouvre grand sur la salle – une manière d’obliger les employés à respecter des règles d’hygiène très strictes – et les tâches sont réparties de manière extrêmement précise, sur le modèle de ce qu’a fait Henri Ford dans l’automobile. Lancée en 1948, la formule a immédiatement rencontré un grand succès, notamment auprès des familles de la classe moyenne. En ce jour de 1954, c’est en fait avec les inventeurs du  » fast food  » que Ray Kroc a rendez-vous…

Des visionnaires géniaux, donc, mais aux ambitions limitées et dont le sens de la gestion n’est pas la vertu première : ainsi apparaissent les frères McDonald aux yeux de Ray Kroc lorsqu’il les rencontre pour la première fois. Doté d’un flair certain, il comprend immédiatement tout l’intérêt du concept : avec un minimum d’organisation, la chaîne, pense-t-il à juste titre, pourra prendre une envergure nationale. Et c’est ainsi que, venu jusqu’à San Bernardino pour y rencontrer deux bons clients, il en ressort agent exclusif des frères McDonald. A ces derniers, le représentant en multimixer a proposé en effet de devenir franchisés uniques de l’enseigne en échange d’un pourcentage sur les ventes. Richard et Maurice McDonald ont accepté, trop heureux de gagner aussi facilement de l’argent. En 1961 de même, alors que la chaîne comptera déjà 228 restaurants, ils accepteront de céder à Ray Kroc tous les droits sur McDonald’s pour 2,7 millions de dollars. Une somme très importante pour l’époque et dont les frères se satisfont largement…

A cinquante-deux ans,  » perclus de diabète et d’arthrite « comme il le dira lui-même, Ray Kroc commence une nouvelle vie. Dans le premier restaurant qu’il ouvre en propre à Des Plaines, dans l’Illinois, en 1955, il reprend au détail près toutes les recettes qui ont fait le succès de la formule : propreté irréprochable, service rapide, prix modique, et même les fameuses arches dorées, inventées par les frères McDonald dès 1952 et qu’il se garde bien de changer. Mais il y ajoute très vite ses propres  » recettes  » : une standardisation encore plus poussée des opérations, qui le pousse notamment, afin de réduire les coûts, à calibrer au millimètre près la taille des morceaux de viande, des tranches de pain et même des frites, l’utilisation de main-d’oeuvre étudiante, un autre moyen d’assurer l’équilibre financier de la chaîne et de lui donner une image jeune et dynamique, et puis, bien sûr, le recours systématique au marketing. En l’espèce, une étape clef est franchie en 1963 avec la naissance du célèbre clown Ronald McDonald. Soutenu par une campagne télévisée d’envergure nationale, il contribue à faire de McDonald’s la première chaîne de restauration rapide des Etats-Unis. Un succès que consacre trois ans plus tard l’introduction de la société à la Bourse de New York. Il ne reste plus, désormais, qu’à exporter le concept dans le monde entier en ciblant, comme aux Etats-Unis, les nouvelles classes moyennes en plein essor. C’est chose faite dès 1967 avec l’ouverture de deux restaurants au Canada et à Porto Rico. Quatre ans plus tard, l’ouverture d’un restaurant à Tokyo – le cinquième hors des Etats-Unis – fait figure de véritable événement.  » L’une des raisons pour lesquelles les Japonais sont petits et ont la peau jaune, c’est qu’ils ne mangent que du poisson et du riz depuis des siècles. S’ils mangent des hamburgers et des pommes de terre frites pendant un siècle, il y a de bonnes chances pour qu’ils grandissent, que leur peau devienne blanche et leurs cheveux blonds « , va jusqu’à déclarer, lyrique, le représentant de la marque au Japon !

L’introduction en Bourse puis la fabuleuse expansion de la chaîne dans le monde entier font de Ray Kroc, l’ancien pianiste de jazz, un homme immensément riche. Régnant en maître sur la société, il a ses manies : ainsi, il ne supporte pas que ses collaborateurs aient les cheveux longs, mâchent du chewing-gum ou portent des chaussettes blanches. De même, il met un veto absolu à l’installation de juke-boxes qui, en attirant une clientèle d’adolescents, risquent de faire fuir les familles, sa cible prioritaire. Maniaque à l’excès – il vérifie lui-même régulièrement la propreté des restaurants -, il laisse en revanche une grande liberté à ses franchisés. Ceux-ci viennent de tous les horizons professionnels, seul comptant leur sens du contact humain. Conscient que la standardisation des opérations est la clef du succès, il crée, dès 1963, une  » Université du hamburger  » à Chicago. Tous les franchisés doivent y suivre une formation à l’issue de laquelle ils reçoivent un diplôme en  » hamburgerologie « , avec une  » mineur en frites françaises  » ! Sans doute ce modèle est-il critiqué. Dès les années 1970, on reproche à McDonald’s d’exploiter ses salariés ou de vendre des produits peu diététiques. Ray Kroc lui-même n’échappe pas aux attaques. En 1972, on le soupçonne ainsi d’avoir obtenu, contre un don de 200.000 dollars accordé pour financer la réélection de Richard Nixon, la suppression d’une loi sur le salaire minimum des travailleurs mineurs. Rien cependant ne peut arrêter la fabuleuse expansion de la chaîne. A la mort de Ray Kroc en 1984, McDonald’s compte déjà 8.300 restaurants dans le monde dans 34 pays et réalise un chiffre d’affaires de 10 milliards de dollars. A cette date, le  » Big Mac « , né en 1968, est depuis longtemps un produit mondial…

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