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Blois : c’est toujours là que se trouve la chocolaterie Poulain. Elle s’y est installée en 1847, date de la création de l’entreprise. Ne pouvant plus s’agrandir, l’usine historique a emménagé en 1991 dans la banlieue de la ville, restant ainsi fidèle à ses racines. 

Le confiseur devenu chocolatier

L’histoire de la maison commence en 1847 lorsqu’un obscur confiseur de Blois, Auguste Poulain, crée sa propre marque de chocolat.  Né en 1825 dans une famille paysanne, dernier de 10 enfants, il a eu la chance, en raison de sa constitution chétive qui lui interdisait les travaux des champs, de fréquenter un peu l’école.  Commis épicier à Blois dès l’âge de 9 ans, il « monte » à Paris trois ans plus tard où il trouve une place de commis au Mortier d’Argent, une célèbre épicerie de luxe située rue Monsieur le Prince. C’est là qu’il découvre le chocolat que l’on fabrique alors manuellement et que l’on vend sous forme de pâte ou de petits gâteaux. Dix ans durant, il en apprend tous les secrets. En 1847, il décide de revenir à Blois et de s’installer comme confiseur et fabricant de chocolat.

Naissance d’une marque

La petite boutique qu’il ouvre cette année-là n’est pas la seule à proposer du chocolat. A Blois, il existe déjà cinq chocolatiers-confiseurs qui vendent des préparations chocolatées similaires à celles proposées au Mortier d’Argent. S’y ajoutent les produits fabriqués par les premiers industriels du chocolat, et notamment par Jean-Antoine Menier qui, depuis la petite usine qu’il a ouverte en 1825 à Noisiel, en région parisienne, confectionne  toutes sortes de préparations médicinales à base de cacao – Menier est un ancien pharmacien – mais aussi, depuis peu, des tablettes en forme de barres semi-cylindriques. Vendu à un prix élevé, le chocolat est alors réservé à une clientèle aisée.   S’il veut se démarquer de ses concurrents, Auguste Poulain doit donc innover : en tournant le dos aux usages médicinaux du cacao pour privilégier les usages alimentaires, en proposant de nouveaux produits vendus sous son nom – chocolat en tablette, en cigare, en bâton, en croquettes, chocolats parfumés à la vanille, bonbons, comme ses célèbres bouchées impériales, lancées en 1852 en l’honneur de Napoléon III – et enfin en modernisant ses techniques de fabrication. L’installation en 1855, dans le petit atelier qu’il a ouvert non loin de sa boutique, d’une machine à vapeur pour broyer le cacao – la première à Blois pour la fabrication de chocolat – fait ainsi sensation.  Elle lui permet de produire plus vite et en plus grandes quantités et donc de réduire le coût de ses préparations.

Une certaine idée du chocolat

La mécanisation des opérations – à l’époque gage de qualité et d’hygiène aux yeux des consommateurs –, l’idée que le chocolat doit d’abord être un plaisir pour les papilles, ce qui autorise toutes les innovations et toutes les associations gustatives, et des prix accessibles afin d’en élargir la consommation : tels sont les trois piliers, largement innovants, qui vont guider les développements de la maison Poulain à partir du début des années 1860. Le contexte joue beaucoup. Porté par la prospérité économique du Second Empire et par l’élévation générale du niveau de vie, le chocolat se démocratise en effet rapidement à partir des années 1860. Ce que veulent les consommateurs, c’est découvrir de nouveaux plaisirs et de nouvelles saveurs. Auguste Poulain est l’un des premiers à le comprendre. 

En 1862, pour répondre à la croissance du marché, il fait construire à Blois une véritable usine qui ne cessera d’être agrandie. Elle emploie alors une trentaine de personnes et produit chaque année plusieurs centaines de tonnes de chocolat. Lui-même habite avec sa famille dans un petit château construit au beau milieu de l’usine, entre les bâtiments dédiés à la fabrication. Tout à son projet de démocratiser le chocolat, Auguste Poulain multiplie les créations nouvelles, bouchées, pralinés, crèmes, bonbons, préparations pour petit déjeuner, sans compter le chocolat à cuire vendu sous le nom de « déjeuner universel » qui rencontre un immense succès.

Un pionnier de la publicité

Pour promouvoir ses produits, l’industriel recourt massivement à la publicité. Il n’est certes pas le premier à le faire. Mais Auguste Poulain innove, notamment en inventant la « vente retardée », une technique marketing promise à un bel avenir. Il le fait dès 1857 en annonçant que les produits de la maison ne seront disponibles que huit jours avant Noël. Un moyen d’empêcher les contrefaçons et de créer la demande. 

En 1863, l’industriel lance  son célèbre slogan « Goûtez et comparez » que la marque utilisera pendant plus d’un siècle. A cette occasion, des affiches publicitaires en couleurs sont placardées dans toute la France. Une première dans le secteur de la confiserie. C’est également lui qui, en 1879, a l’idée de placer des images à collectionner dans ses tablettes de chocolat afin de fidéliser la clientèle, notamment celle des enfants. C’est, là encore, une première.

Une cession précoce

En 1880, Auguste Poulain se retire des affaires et cède les rênes de la maison à son fils Albert.  Il mourra en 1918. Comme son père, Albert entend vendre « bon et à bon marché ». Fougueux, énergique, cet homme né en 1851 fait véritablement entrer l’entreprise dans l’âge industriel. Au milieu des années 1880, le processus de fabrication est totalement mécanisé , tout comme la production d’images pour laquelle une imprimerie a été créée au sein de l’usine. Esprit inventif, Albert continue également d’élargir la gamme des productions – c’est lui qui lance le petit-déjeuner à la crème vanillée, l’un des grands succès de la marque – et d’investir dans la publicité. On lui doit notamment le premier cadeau-réclame, un petit jouet en métal vendu avec les boîtes de crème vanillée.

Mais déjà, de nouveaux projets l’attirent. En 1893, désireux d’investir dans l’agroalimentaire – un autre secteur très porteur –, il cède 54% du capital de l’entreprise à de nouveaux actionnaires. Trois ans plus tard, il abandonne le reste de ses parts à l’un deux, Léon Renard, qui dirigera la maison jusqu’en 1958. C’est sous son règne que sera lancée, en 1937, la tablette chocolat noir Extra Poulain, devenue aujourd’hui le Noir Extra. Après avoir traversé  des temps difficiles et connu plusieurs rachats, la société est reprise en 2017 par le groupe  français Carambar & Co.

Illustration. L’usine de Blois en 1872. Au centre de l’usine, le château édifié par Auguste Poulain pour sa famille et lui.